En direct du paradis
Sacha Wasi, Lundi 20 septembre 2010.
Veille de pleine lune. Veille de Huachuma.
Veille d´Equinoxe, synonyme ici de fin de saison séche et de l´arrivée des premières “vraies” pluies. Le maïs ne devrait pas tarder ensuite à être semé. Il trône pour l´instant au dessus de ma tête accroché au plafond de la maison ronde à l´abri des prédateurs mais non d´un couple d´oiseaux qui y installe son nid provisoire.
Deux mois déjà! Deux mois sans écrire dans ce carnet autre chose que des combinaisons de plantes semées dans la huerta, des recettes biodynamiques pour le compost, des étapes de la culture de la spiruline.
Deux mois intenses, deux mois très courts qui en appellent forcément de prochains ici, aprés le Colca, aprés la Patagonie, bientôt. Les choses ont bien changé depuis ma premiére visite en 2008...
La première chose m´ayant frappée en poussant la porte de Sacha Wasi fut la présence de nombreux wwoofers (volontaires), la présence de résidents permanents aussi alors qu´à l´époque j´étais resté seul avec Bruno la majorité de mon séjour...
Je reste pour l´instant à la frontiére entre les deux, ni vraiment de passage ni vraiment installé.
Autre nouveauté la présence de constructions en bois à l´entrée de la chacra, une maison ronde majestueuse qui m´héberge en alternnce avec ma tente, une vraie cuisine avec un vrai chef aux commandes, Victor. Puis sont arrivées récemment un igloo en argile qui servira de sauna, l´étang de la spiruline avec son super techo (et sa sublime bache verte, merci Alexis), grand toit protecteur et collecteur de pluies.
Les activités sont nombreuses ici, parfois routinières, souvent surprenantes.
Si l´on regarde le tableau aujourd´hui que voit on?
- Rajar leña: ben oui du bois il faut bien en fendre de temps en temps pour la cuisine
- Cosechar citricos / jugo: quotidiennement nous ramassons des agrumes et préparons du jus, quand il y en a trop pour nos soifs, cela sert pour faire du vin d´orange
- Limpiar cafétal: à défaut de pouvoir commencer les semis de maïs, faute de pluies, nous nettoyons le sous bois de caféier pour faciliter les prochaines récoltes
- Casa patos: nos amis Santiago et Felipe finissent leur construction pyramidale, influencée inconsciemment par Gaudi, pour héberger une partie des canards non loin de leur mare
- Horno Victor: un four en argile cela demande un minimum d´entretien si Victor veut continuer à nous concocter ses petits plats avec ce que l´on produit ici (en cette période, nous sommes autonomes pour un peu plus de la moitié de la bouffe que nous consommons, cela va aller en augmentant) notamment grâce à...
- Spiru (cosechar?): ma chére spiruline vit ses derniers jours de phase de croissance avant de rentrer en phase de récolte mais impatients que nous sommes nous pensons déjà à en récolter quelques extraits. En attendant je continue à préparer de l´eau de cendre, à transporter des seaux remplis de son “milieu de vie” pour bientôt atteindre les 2000 litres escontés et récolter, enfin
- Cosechar / pelar chicharilla: un classique, en début de semaine nous récoltons de cette sorte de petit pois arborescent puis le décossons au fur et à mesure pour l´incorporer à la soupe du soir.
La fin de la saison sèche n´est pas la plus féconde en terme de récoltes, cela correspond à la fin de l´hiver, mais la Pacha Mama reste génereuse en nous offrant des bananes en grand nombre que nous partageons avec Bob le rat et les cuyes, des racines (manioc, arrakacha, motosiwi, la bien nommée Jamaspeqe…), des agrumes, du café.
Dans le potager (qui n´existait pas lui non plus il y a deux ans) on trouve des salades, des carottes, des tomates, des blettes, du tabac (et oui), j´en oublie certainement.
Et puis il y a tout ce que l´on vient de semer depuis la valise magique remplie de graines Kokopelli, on verra bien ce que cela donne .
Les projets sur lesquels j´aurai concentré mes “efforts” auront été ces fameux tests de germination à partir des semences Kokopelli, la récote du café, son séchage et le toastage à Apolo, et le meilleur pour la fin: la spiruline.
Pour moi cette algue vieille de 3 milliards d´années était avant tout un complément alimentaire riche en protéines et en fer que l´on conseillait aux végétariens carencés dans les magasins bio parisiens. Je savais bien qu´il y avait de nombreux espoirs sur les bienfaits de sa culture, dans les pays secs notamment, pour lutter contre le mal d´aujourd hui et de demain: la mulnutrition (une bonne moitié de la planéte qui créve la dalle, une minorité dont nous faisons partie qui se gave de produits contaminés et carencés).
Mais cela restait une substance verdatre, seche que l´on vend en comprimés.
Depuis que j´ai la chance de m´occuper de sa culture, je la vois différemment, une relation plus intime nous lie et j´ai hâte d´y gouter dans les prochains jours avant mon départ. A partir d´une bouteille d´un demi litre provenant du sud de la france, dans les environs d´ou le petit neveu devrait voir le jour, nous arrivons maintenant à 1700 ou 1800 litres…
Bruno en avait déja cultivée dans le passé et l´a fait venir de France en avion avec un volontaire lui rendant visite. A mon arrivée, elle était la dans un seau en attendant que l´on s´occupe d´elle. Avec Cristian, nous avons feuilleté un super bouquin “ Spiruline pour tous. Culture familiale” de l´Association Les Idées Bleues. Puis Cristian s´en est allé et m´a dit avec son bel accent catalan “ Pierre tu as l´air intéressé tu veux t´en occuper?” Ben oui pourquoi pas, cela n´a pas l´air compliqué, semble prometteur et nous avons tout ce qu´il faut sur place: eau, cendre, sel d´Uyuni, clous rouillées, urine, c´est parti!
Et ca a marché, la spiru a grandi, l´étang et son toit ont été construits puis inaugurés. Un milieu salin et alcalin, du soleil, de l´azote (à bibi), du fer, encore un peu de soleil elle n´en demande pas plus notre grande enfant de 0.2 mm a la forme spiralée (ADN encore toi?)
Bon allez je dois y retourner, il y a encore une centaine de litres d´eau de cendre a filtrer et quelques seaux à porter à l´étang, c´est que ça mange a cet âge là…
Il va aussi falloir penser a se baigner dans le rio, coincher un peu, rigoler et faire des bisous!...
La vraie vie quoi!